De Paris ou de Kiev, des feuilles mortes pour faire du papier

AFP

04/06/2024 | 823 mots | ENERGIE RECRUTE | ENVIRONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
De Paris ou de Kiev, des feuilles mortes pour faire du papier © Ryan Cuerden

Fabriquer du papier à base de feuilles mortes... Valentyn Frechka, jeune Ukrainien installé en France, poursuit méthodiquement son rêve, désormais sur le point d'inaugurer près de Paris une usine-pilote alimentée avec les feuilles de la capitale.

Le scientifique de 23 ans fait partie des trois finalistes du prix du Jeune inventeur 2024 de l'Office européen des brevets (OEB). Le nom du lauréat sera connu le 9 juillet.

A l'origine de son projet, une démarche ambitieuse et très réfléchie: trouver une idée jamais exploitée auparavant pouvant répondre à un enjeu du siècle.

"Une idée que j'aurais présentée en Ukraine, puis au niveau international. Je voulais voir le monde et je voulais représenter mon pays", explique-t-il à Paris depuis la Station F, pépinière de start-ups qui héberge son équipe de 20 personnes désormais.

Aidé de sa professeure de chimie, il trouve sa voie en 2017 dans un parc planté de vieux chênes, en voyant les feuilles tomber : "utiliser les fibres pour faire du papier! Les feuilles contiennent de la cellulose, la matière principale du papier. Et très vite nous avons eu de bons résultats".

Rapidement le projet remporte une compétition nationale, puis des médailles aux Etats-Unis, au Kenya, en Europe... Il reçoit un premier soutien du WWF qui en entraîne d'autres, notamment dans l'Union européenne où le jeune entrepreneur choisit de s'installer pour ses "accélérateurs d'innovation".

Ainsi naît en 2020 la société Releaf Paper. L'entreprise produit de la pulpe à partir des feuilles de Kiev, mais elle vend aussi le papier sous son nom, après fabrication par des papèteries ukrainiennes à partir de la pulpe fournie: "il fallait montrer que ça marche".

Le processus mis au point permet aujourd'hui de produire une tonne de cellulose à partir de 2,3 tonnes de feuilles mortes, évitant l'abattage de 17 arbres, explique l'inventeur, associé à un compatriote pour la partie développement de l'entreprise qu'ils ont cofondée.

- Aide européenne -

La transformation des feuilles se fait, après nettoyage minutieux, par un traitement "thermo-mécanique" impliquant broyage et ramollissement à vapeur haute pression. Objectif: isoler les fibres, pour produire une pâte semblable à de la pâte de bois. De l'eau est utilisée, mais pas de produit chimique, insiste son concepteur.

Pour faire du papier, cette pulpe, qui offre des fibres courtes, est ensuite mélangée à du papier recyclé, qui apporte des fibres longues.

Parmi les clients de Releaf Paper, L'Oréal, Weleda, Logitech... qui ont commandé cartons, sacs, carnets...

Ces techniques, Valentyn Frechka les a aussi affinées à l'Ecole internationale du papier et des biomatériaux de Grenoble, qu'il a intégrée en 2022 au moment où la guerre a éclaté entre son pays et la Russie.

En Ukraine, l'activité de Releaf se poursuit. "Nous sommes Ukrainiens, c'est une façon de soutenir notre économie. Et nous avons toujours notre équipe là-bas, cinq personnes", dit Valentyn Frechka, loin désormais de sa famille et de son village de Transcarpatie, près de la frontière roumaine.

Mais pour Releaf Paper, place aujourd'hui au déploiement en France.

Grâce à un soutien européen de 2,5 millions d'euros, l'entreprise doit inaugurer son usine-pilote aux Mureaux (Yvelines) en juillet, "avant la saison des feuilles". Un espace de 2.000 m2 qui traitera 5.000 tonnes de pulpe par an. D'ores et déjà, l'entreprise a sécurisé 25.000 tonnes de feuilles annuelles auprès de la Ville de Paris.

Le coût de ce papier sera de 10 à 30% plus cher qu'un papier recyclé, mais Valentyn Frechka ne doute pas qu'il baissera avec l'essor de la production. Et déjà il songe à d'autres développements, pour des "papiers tissus" (mouchoirs, papier toilette...).

"Les consommateurs au 21e siècle ne veulent plus qu'on coupe des arbres pour cela. Nous devons trouver des alternatives", dit le jeune inventeur, qui s'intéresse de près aux propriétés des feuilles de bananier ou encore d'ananas.


Newsletter d'actualités énergie et environnement

Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter énergie et environnement hebdomadaire !

Dans la même thématique :


Plastique, de l’innovation à la pollution : une histoire contrastée
30/10/2024 | ENERGIE RECRUTE | Environnement et Développement Durable

Le plastique, avant de poser un défi environnemental majeur, a d’abord contribué au progrès dans une société de consommation d...


Enquête en Albanie après l'arrivée d'un navire chargé de déchets industriels toxiques
29/10/2024 | ENERGIE RECRUTE | Environnement et Développement Durable

Un navire chargé de centaines de tonnes de déchets industriels, potentiellement toxiques, est arrivé lundi en Albanie après avoir err&eacut...


Eramet suspend son projet de recyclage de batteries face aux incertitudes du marché européen
25/10/2024 | ENERGIE RECRUTE | Électricité et Réseaux de Distribution

Le groupe minier français Eramet a annoncé la suspension de son projet d'usine hydrométallurgique de recyclage de batteries pour véhicu...

Lire aussi :


Précarité énergétique : des millions de foyers limitent leur chauffage face aux factures élevées
05/11/2024 | ENERGIE RECRUTE | Environnement et Développement Durable

En 2024, un tiers des Français a souffert du froid chez eux, soit deux fois plus qu’en 2020, en raison de factures d'énergie élevé...


Fin de la grève d'une partie des éboueurs de Marseille
31/10/2024 | ENERGIE RECRUTE | Environnement et Développement Durable

Les éboueurs de deux arrondissements de Marseille, en grève depuis six jours, ont trouvé jeudi un accord avec la direction d'une filiale de Ve...


Un traité historique sur les déchets plastiques
24/10/2024 | ENERGIE RECRUTE | Environnement et Développement Durable

Les négociations pour le premier traité international de réduction des déchets plastiques devraient aboutir en décembre à Bus...