Tepco n'a pas tenu compte de mises en garde sur Fukushima


30/03/2011 | 788 mots | ENERGIE RECRUTE | PÉTROLE, GAZ, CHARBON

Un ingénieur haut placé chez Tokyo Electric Power (Tepco) avait envisagé en 2007 qu'un tsunami excède les capacités de résistance de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi mais l'opérateur n'a pas retenu ses conclusions.

L'ingénieur chargé de la sécurité des installations estimait à 10% la probabilité qu'une vague sismique dépassant les six mètres, limite maximale retenue pour la sécurité du site, frappe la centrale dans un délai de cinquante ans.

Le 11 mars, la vague qui s'est écrasée sur Fukushima-Daiichi était haute de 14 mètres.

Au-delà de cette étude, plusieurs éléments et témoignages attestent que l'opérateur de la centrale n'a pas tenu compte de nombreux avertissements sur ses failles de sécurité et que les régulateurs du nucléaire japonais n'ont jamais contraint les entreprises à adapter les règles de sécurité de leurs centrales.

"Du fait des incertitudes qui entourent le phénomène des tsunamis, la probabilité existe toujours que l'amplitude d'un tsunami excède la hauteur retenue pour la conception (de la centrale)", peut-on lire dans le rapport présenté une première fois en juillet 2007, lors d'une conférence à Miami.

En d'autres termes, l'équipe de l'ingénieur Toshiaki Sakai a déterminé qu'il y avait un risque sur dix qu'une vague géante passe au-dessus des murs d'enceinte de la centrale.

Tepco n'en a pas tenu compte.

RISQUE

Sakae Muto, vice-président de Tepco, a assuré que les protections de la centrale avaient été conçues "avec une marge d'erreur" basée sur les précédents tsunamis ayant frappé la région. En 1960, une vague de près de six mètres avait déferlé sur les côtes japonaises après un puissant séisme au Chili.

"Certains avaient relevé la possibilité d'un tsunami plus important que ce sur quoi nous nous étions fondés, mais de ce que je sais, cela ne faisait pas consensus parmi les experts", a dit à Reuters le vice-président de Tepco.

L'étude représentait plusieurs années d'un travail entamé par les ingénieurs en sécurité de Tepco après le séisme de 2004 au large de Sumatra. Un tsunami a inondé une centrale nucléaire indienne et éveillé les craintes d'un événement similaire au Japon, où plusieurs centrales sont situées près des côtes.

Fukushima-Daiichi, centrale vieille de 40 ans, est de plus construite près d'une zone sismique du Pacifique qui, selon l'étude, a produit, en 400 ans, quatre tremblements de terre d'une magnitude égale ou supérieure à 8.

Bien que n'ayant pas suivi les recommandations de ses propres ingénieurs, Tepco n'a pas contrevenu aux règles de sûreté nucléaire en vigueur au Japon. "Il n'y a pas d'obligation légale de réévaluer les mesures (de sécurité) relatives au site de façon périodique", a souligné le gouvernement en réponse à l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA) en 2008.

Ces vingt dernières années, les trois organismes de sûreté nucléaire au Japon n'ont jamais écarté le risque d'un accident grave qui mettrait à l'épreuve les standards de sécurité, tant loués par ailleurs, des 55 centrales japonaises.

Mais ils ont toujours laissé à Tepco et aux autres opérateurs la responsabilité d'éviter ces scénarios.

AÉRATION

Depuis l'accident de Tchernobyl, il y a 25 ans, les opérateurs et régulateurs de l'industrie nucléaire, en Europe et aux Etats-Unis, ont commencé à examiner les scénarios du pire plutôt que d'adapter leur défense contre les incidents.

Le Japon ne l'a pas fait, préférant insister sur la maintenance régulière et la correction des défauts de ses vieilles centrales.

Tepco a ainsi obtenu que le réacteur n°1 de Fukushima-Daiichi - où le risque d'une explosion de vapeur est aujourd'hui le plus fort - soit prolongé de dix ans en présentant un projet de maintenance.

L'autre point faible des centrales japonaises réside dans leurs systèmes d'aération. Après l'accident nucléaire de Three Mile Island, en 1979 aux Etats-Unis, les opérateurs de centrales américaines ont renforcé leurs systèmes. La Commission japonaise de sûreté nucléaire a jugé qu'il n'était pas nécessaire de l'imposer.

L'aération d'une centrale nucléaire est l'un des derniers moyens d'empêcher la pression de faire exploser l'enceinte d'un réacteur et de laisser échapper des particules radioactives.

Dans la crise actuelle, la faillite de ces conduits d'aération est peut-être à l'origine des explosions d'hydrogène survenues après le tsunami dans les réacteurs 1 et 3. (Henri-Pierre André et Clément Guillou pour le service français, édité par Gilles Trequesser)


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